Aujourd’hui, le village ne compte plus que 142 habitants et l’école est fermée depuis longtemps, mais il n’est pas moribond pour autant car toutes les maisons sont occupées et l’on voit même fleurir les nouvelles demeures de toute une jeunesse qui s’accroche à ses souvenirs d’enfance.
La Communauté de Viellenave est affranchie le “samedy de la fête de l’Invention de Sainte Croix de 1309 par Noble Dame Marguerite, Viscomptesse d’Orthe, dame d’Araux, avec le consentement de son fils Arnaud Arramon”. Par cet acte, les soumis s’engagent à payer chaque année, à la fête de Nadau, au château d’Araux :
12 deniers morlaas de fief / arpent de terre en plaine
10 deniers morlaas de fief / arpent de terre lande ou coteau
Le même acte mentionne que Abbadievielle qui était le “patron” dudit lieu, fait partie des soumis affranchis et qu’il doit payer pour le fief de sa maison et terres.
En 1341, Arnaud Arramon consent un acte d’afièvement (location) de terres aux communautés du Paget d’Araux, à savoir, Viellenave, Araux et Araujuzon. Cet acte a ceci d’exceptionnel qu’il n’attribue pas les terres à la communauté mais à chacun de ses membres, directement, à charge pour eux de se les répartir équitablement. Cela range cet acte dans les constitutions de casals. Chaque maître et maîtresse de maisons (senhors et daunes) devient ainsi propriétaire du terrain concédé moyennant une redevance généralement payée en nature.
En 1385, la communauté compte 17 feux vifs (habitations dont la cheminée fume, signe de présence) et 5 ostaus en que no fo troba t foecs pero y fo trobat toneg ab pomade, arques e cadeltheytz.
Outre de nombreux droits seigneuriaux, le seigneur d’Araux prend fief sur le bâteau de Viellenave.
“Il peut passer et repasser franc-quitte et sans rien payer pour ledit passage ni pour lui ni pour ses domestiques, chevaux et autres”. Le bac de Viellenave, véritable trait d’union entre les deux rives du gave sera utilisé jusqu’en 1889. Détruit par une crue exceptionnelle, il ne sera pas reconstruit, d’autant qu’après plusieurs années de démarches administratives, la construction du pont est décidée en 1897.
Quant aux droits féodaux, chacun sait qu’ils prirent fin avec la Révolution. J’ai eu la chance de trouver dans les archives de la commune un papier daté du 22 février 1794 certifiant que les représentants de Viellenave et d’Araux ont, ensemble, brûlé “un sac de papier appartenans au ci-devant Seigneur de Jasses et relatif aux ci-devants droits féodaux et seignouriaux”.
Viellenave avait son abbaye laïque. Différents propriétaires se succédèrent au fil des siècles, parmi lesquels la famille de Laussat et le dernier abbélay avant la Révolution, Pierre de Lacordelle.
L’église, dédiée à St Pierre, recèle encore bien des mystères ; pourquoi un clocher dit souletin en terre béarnaise ? A qui la tombe armoriée dans le chœur de l’église ? Quelle fresque murale se cache encore derrière le tableau du rétable ? Une certitude cependant : même si elle a été profondément remaniée dans le temps, sa construction primitive est fort ancienne comme l’atteste une ouverture de pur style roman malheureusement invisible puisque cachée sous le plafond de la sacristie. La chapelle de la Vierge est une petite merveille de l’art gothique et sous le porche, vous noterez le sol de galets, heureusement préservé.
L’histoire d’un village ne s’arrête pas à ces quelques données historiques que l’on peut trouver. Il y a aussi le quotidien riche et passionnant dont on ne saura jamais tout. A viellenave, les réunions de la communauté se faisaient à deux endroits précisément : devant la maison communale, au centre du village et “au Cap deu pont” du Lausset. Chaque famille y était représentée par un Ancien. Gare à ceux qui ne se présentaient pas aux convocations. Trois absences successives étaient sanctionnées d’une amende. La Loi était aussi très respectueuse de l’Eglise. Ainsi donc c’était un véritable “escandale” de fréquenter l’auberge et d’y consommer ou même de travailler dans les champs durant la messe. L’amende exigée des contrevenants servait à l’achat de cierges.
Au gré des lectures d’archives voici quelques évènements pêle-mêle :
1690 : Le temple de Viellenave est rasé
1755 : Un loup est tué au quartier de las Hiaderes
1760: Lajournade, Badienave et Guichet sont reconnus coupables d’avoir donné asile à un représentant protestant. Ils sont condamnés à perpétuité aux galères après avoir été marqués au fer rouge des lettres GAL (galérien).
1770 : Une garnison de dragons passe à Viellenave.
1814 : Une partie des armées anglaises de Wellington franchit le gué à Viellenave et abattent le mur d’enceinte de Bugnein pour ménager un passage aux hommes et aux chevaux.
Plus près de nous , on constate qu’ici comme ailleurs, le village a profondément changé en un siècle. Une première vague d’émigration vers Malaga puis une seconde vers l’Argentine n’expliquent pas cette métamorphose de notre monde rural ; en 1867, Viellenave compte une population agglomérée de 315 habitants et l’école communale est fréquentée par 33 élèves. Dénatalité… exode rural …
L’église et son clocher trinitaire