CINQUECENTO
Navarrenx s’expose en 3D
à l’Office du Tourisme
Présentation de la réalisation par Hugues Paucot, l’initiateur
Article dans le quotidien l’ECLAIR des PYRENEES
Cliquer sur l’image ci-dessus
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2015, Navarrenx reçoit le label des plus beaux villages de France
Le 16 mai 2015, Jean Baucou, maire et Maurice Chabert, président de l’association
« Les Plus Beaux Villages de France » lors de la signature de la charte de
qualité-notoriété-développement, faisant de Navarrenx le 158ème
membre de ce club très convoité.
Visite de la cité bastionnée
1- Place des Casernes 2- Porte Saint-Antoine 3- Poudrière 4- Demi-bastion de la Cloche
5- Maison du gouverneur 6- Maison du lieutenant du roi 7- Arsenal 8- Eglise Saint Germain
9- Bastion des Contremines
10- Bastions des Echos
11- Porte Saint-Germain
12- Caserne Saint Germain
13- Bastion des Noyers
14- Poterne du Méritein
15- Place de la Fontaine 16- Bastion du Parapet 17- Foirail 18- Demi-lune de la Mouline
19- Coupure dans la courtine 20- Ruines de la Castérasse
Par Hugues PAUCOT
Un peu d’histoire
Coincée entre France et Espagne, la Vicomté indépendante de Béarn occupait en ce début de XVI ème siècle une position peu enviable. De plus, en 1521, les Seigneurs de Béarn s’étaient affaiblis dans une vaine tentative de reconquête de la Navarre espagnole (encore appelée Haute-Navarre – région de Pampelune) dont ils avaient hérité du titre de Roi.
En 1469 en effet, François Phoebus montait sur le trône de Navarre et devenait Seigneur de Béarn par le bon vouloir de ses grands parents, Eléonore de Navarre et Gaston IV de Foix-Béarn. Mais en 1512, les troupes castillanes pénètrent en Navarre et s’emparent de Pampelune après une campagne éclair de cinq jours, contraignant la soeur de François Phoebus, Catherine et son époux Jean d’Albret, devenu Souverains suite au décès prématuré de François Phoebus, à se réfugier de l’autre côté des Pyrénées. Malgré l’appui du Roi de France, une tentative de reconquête réalisée la même année se solde par un premier échec. En 1521, leur fils, Henri II d’Albret, monte une expédition visant à reconquérir la partie de son royaume située au-delà des Pyrénées. L’échec fût une fois de plus cuisant, entraînant de surcroît la perte momentanée de la Basse-Navarre (Région de Saint-Jean-Pied-de-Port).
Carte de localisation des principaux lieux cités.
Deux ans plus tard, en représailles, les Espagnols, commandés par le prince d’Orange, envahissent Soule et Béarn, dont ils saccagent les principales villes, mal défendues par des fortifications vétustes (voir carte 1), avant de s’en retourner en Espagne (Labau, 1994).
Henri II d’Albret toujours Vicomte de Béarn décide donc de sécuriser sa position et d’en imposer simultanément à ses deux puissants voisins en fortifiant Navarrenx selon les principes les plus modernes de l’époque. Il voulait ainsi réaliser un remarquable réduit stratégique, ultime bastion de la résistance béarnaise (Desplat et Tucoo-Chala, 1981) en même temps qu’une base de départ pour son projet de reconquête qu’il n’avait pas abandonné. La situation géographique de Navarrenx justifie à elle seule son choix.
Le rôle militaire de la ville était cependant déjà attesté bien avant l’édification de la forteresse d’Henri II. La bastide initiale avait en effet été crée en 1316 par Marguerite Mathilde. De plus, en 1521, le roi y avait ainsi concentré d’importantes forces militaires lors de la campagne de Navarre. Cependant, en 1523, le Prince d’Orange n’avait éprouvé aucune difficulté à enlever la ville: ” la place n’estoit point tenable et la fortification qui avait esté faite a haste estoit imparfaite” (Bordenave, 1873 dans Desplat et Tucoo-Chala, 1981). Quoiqu’elles fussent peu importantes et certainement fort délabrées, l’existence de fortifications médiévales est indéniable. Un acte du 1 er janvier 1526 (Desplat et Tucoo-Chala, 1981) rappelle des travaux entrepris aux mâchicoulis du “ portau ” de Méritein (Archives Départementales des Pyrénées Atlantiques: E.1610, f° 23). Mais telle qu’elle était alors, la place était sans force “pour arrêter l’Espagnol s’il vouloit entrer par ce côté”.
Fort de cette expérience, le roi de Navarre décide donc de refortifier Navarrenx et de rendre la ville imprenable même par l’artillerie à poudre qui avait entre-temps fait son apparition.
L’état de l’Art de la Fortification en ce début du XVI ème siècle.
A la fin du XV ème siècle, les constructeurs s’étaient en effet assez brutalement trouvés confrontés à l’inaptitude des fortifications moyenâgeuses à résister aux développements successifs d’une arme nouvelle, l’artillerie à poudre. Après une période au cours de laquelle ils tentèrent d’adapter les fortifications existantes, ils essayèrent ensuite de modifier la mise en oeuvre de certains principes régissant jusque là l’architecture militaire, sans pour autant remettre en cause les principes eux-mêmes.
Stimulés par les nombreux conflits qui secouaient leurs contrées, ce sont finalement les architectes italiens qui commencèrent à construire à partir des premières années du XVI ème siècle des ouvrages totalement innovateurs. Délaissant les tours médiévales et les murailles de pierres, ceux-ci inventèrent ce qui allait devenir le bastion: ouvrage bas, pentagonal, en terre, revêtu de maçonnerie et faisant saillie sur une enceinte.
Dès 1508 en effet avaient débuté les travaux de la nouvelle forteresse de Civitavecchia (Latium, Italie) conformément aux instructions du célèbre architecte Donato Di Angelo Bramante. En 1515, le Florentin Antoine de San Gallo le Jeune poursuit les travaux. La ville fût dès lors entourée d’une nouvelle enceinte qui se présentait comme une suite d’ouvrages dont la disposition était étudiée de manière à éliminer totalement les angles morts en avant des constructions. Ceux-ci adoptèrent en conséquence la forme pentagonale qui restera définitivement celle des bastions (Rocolle, 1973).
En France, c’est probablement à Bordeaux (Gironde) qu’un élément de la fortification bastionnée fut pour la première fois réalisé par Anchise de Bologne. En effet, le ravelin, c’est à dire l’ensemble de 2 ouvrages de type bastionné, situés de part et d’autre de la porte Sainte-Croix, commencé vers 1525 et terminé vers 1535, présentait une plate-forme triangulaire avec des embrasures pour des bouches à feu (Corvisier, 1992; Rocolle, 1973).
Mais le premier exemple de tracé en bastion totalement développé fut vraisemblablement réalisé à Florence (Toscane, Italie) par Antonio da Sangallo. La Forteresse dite « D’en Bas » (“Fortezza di Basso”) construite entre juillet 1534 et décembre 1535 présente en effet un plan pentagonal de forme allongée dans la direction est-ouest. Son côté septentrional est cassé de telle sorte qu’il forme deux flancs. Les angles sont occupés par des bastions modernes, ceux du sud se terminent par un angle aigu, tandis que ceux du nord se ferment presque à angle droit; le bastion central formant quant à lui un angle obtus (Anonyme, 1980).
Vers cette époque, le cap décisif avait donc été franchi et les trouvailles italiennes traçaient la voie aux recherches des ingénieurs militaires dans tous les autres pays d’Europe. La France, en particulier, bénéficie d’une rapide diffusion des nouvelles formules par le canal de tous ceux qui participèrent aux campagnes militaires dans la péninsule. Ainsi, en 1525, Henri II d’Albret avait été fait prisonnier au côté de François I er au cours de la bataille de Pavie mais avait réussi à s’évader, lui évitant ainsi de payer la rançon. Il est probable que c’est au cours de cette campagne qu’il avait pu observer les nouveaux développements de l’architecture militaire. Enfin, l’apport des ingénieurs de la péninsule à l’architecture militaire française se fera également par le truchement des très nombreux Italiens qui séjournèrent en France durant cette période.
La construction de la place de Navarrenx
Au mois de mars 1538, les Etats de Béarn réunis à Pau allouèrent une somme de 10.000 écus pour financer les travaux de construction (A.D. C.681, f°143). Cependant le projet d’Henri II d’Albret était contesté par le Parlement de Bordeaux qui avait adressé une plainte au Roi de France pour dénoncer la menace que constituerait Navarrenx en Aquitaine. Mais François I er agréa l’entreprise de son beau-frère. On rapporte qu’il l’aurait alors qualifié de “ pou entre deux singes ”. Peu redoutable pour le Royaume de France, la place pouvait en effet servir de poste avancé contre l’Espagne et défendre les frontières françaises à moindre frais (Dubarat, 1926).
L’architecte chargé de dresser les plans est un Italien originaire de Vérone (Deloffre et Bonnefous, 1996) dénommé Fabricio Siciliano. Il semble que celui-ci avait déjà travaillé pour le Royaume de France auparavant. En 1537 en effet, avait eu lieu le début de la construction d’un bastion à Dax (Landes) dont il fût probablement l’architecte. Il serait également responsable de la construction d’un boulevard à Libourne (Gironde) en 1538 avant de commencer la même année la construction de l’enceinte urbaine de Navarrenx (Corvisier, 1992).
Sa présence en Béarn entre 1544 et 1545 est attestée par des actes notariés (Raymond, 1874). En réalité, il semble qu’il ne séjourna qu’épisodiquement dans la Principauté, et la réalisation fût confiée à un entrepreneur maçon de Bayonne, François Girard. Installé à demeure avec ses chaufourniers, celui-ci eut soin de spécifier que ceux-ci auraient à “chauffer jour et nuit”(A.D. E1621, f° 34) (… les fours à chaux destiné à réaliser le liant joignant les pierres).
Peu après le début des constructions, Juan Martinez d’Escurra, un envoyé secret de Charles Quint, avait pu observer les bastions et donnera de mémoire 20 ans plus tard un plan général de Navarrenx (Archives Nationales K.1499, n°84) au Roi d’Espagne Philippe II. Il était alors tel qu’il nous apparaît aujourd’hui: cinq courtines défendues par cinq bastions. Le sixième saillant, celui de la pointe “de la Castérasse” (Emplacement de l’ancien château vicomtal dont elle tire son nom), devait être en projet en 1538, mais il ne fût jamais réalisé (Desplat et Tucoo-Chala, 1981).
Ces travaux furent extrêmement importants pour l’époque car il avait fallu démolir une grande partie de plusieurs quartiers habités (Daléas, 1926).
Le 29 avril 1546, la place reçoit son premier gouverneur militaire: Tristan de Monein, lequel promit de “ bien et fidèlement garder la ville, place et forteresse de Navarrenx, nouvellement bâtie ” (A.D. E.392). Elle était apparemment en mesure de remplir son office, les 850 toises de murailles s’étaient élevés jusqu’au cordon en moins de 9 ans. Le 20 juillet 1549, un nouveau gouverneur, Bernard d’Abère, engagea le maître maçon Arnaud de Mirassor et le chargea d’édifier un parapet de sept pieds et demi “de espessor” . Ces dimensions étant celles de la construction actuelle, il avait fallu moins de douze ans à Henri II d’Albret pour ériger sa forteresse (Desplat et Tucoo-Chala, 1981).
Description de la place
L’enceinte de Navarrenx présente un intérêt majeur pour l’histoire des constructions militaires en Europe: c’est en effet un modèle à peu près unique de l’architecture militaire de la 1 ère moitié du XVI ème siècle, fort peu retouchée par la suite. On y retrouve la plupart des éléments caractéristiques de la fortification italienne de cette période.
Les remparts sont constitués par de la terre comprise entre deux murs de pierres, la terre ayant été damée par couches alternées avec des fascines. Ils ont 10 mètres de hauteur, une base très large et un sommet tronqué soutenant le chemin de ronde protégé par un parapet d’environ 2,33 m d’épaisseur.
L’enceinte a environ 200 toises (soit 390 mètres) dans sa plus grande longueur sur 130 (253 m) de largeur et environ 850 toises (1657 m) de périmètre (Pinsun, 1718 dans Daléas, 1926) et est essentiellement constituée de blocs taillés de grès jaunâtre du Paléocène (Deloffre et Bonnefous, 1996).
La face externe du mur d’escarpe se termine par une moulure semi-circulaire appelée “cordon” et destinée a rendre plus difficile l’escalade y compris des rats qui devaient pulluler dans les fossés de l’époque, la désertion, et assure enfin, en formant une arase horizontale, la cohésion des maçonneries.
Les fossés secs sont, selon les endroits, soit complétés par une contre-escarpe, soit directement reliés au glacis.
Les modifications ultérieures
Peu d’aménagements vinrent modifier l’aspect originel de l’enceinte bastionnée. Henri IV fit effectuer des réparations à la contre-escarpe, entre 1585 et 1589, en particulier devant la porte Saint-Germain .
Entre 1569 et 1626 (Dubarat, 1926) se déroula la construction de la demi-lune de Méritein.
Sébastien Le Prestre de Vauban, qui dit dans ses mémoires avoir été influencé par Siciliano, semble s’être peu intéressé à la place dont il fit dresser un plan en 1685. Celui-ci est conservé aux Archives du Génie, mais aucun mémoire n’est joint à ce plan.
En 1718, Pinsun, ingénieur de Louis XV, présenta un plan pour “paver les chemins de ronde, établir six guérites de pierres aux angles des bastions, nettoyer les galeries, refaire la porte Saint-Germain, et surtout construire le bastion de la Castérasse ”. Mais ces travaux ne furent que partiellement exécutés.
Vers 1720, on installa dans la ville un Hôpital Militaire en face de la porte de la demi-Lune. Il ne s’agissait pas en fait d’un bâtiment militaire à proprement parler mais d’une maison louée par le Roi à un particulier qui assurait également l’entreprise des fournitures à l’hôpital et en assumait la direction. Seuls le chirurgien-major et son assistant sont membres de l’armée. L’hôpital pouvait accueillir 72 malades dans 36 lits à 2 places (Ferron, 1944).
Il semble établi que la ville disposait également d’un Magasin d’Artillerie avec Fonderie non loin de l’église.
Fin XVIII ème siècle, un certain nombre de modifications mineures furent réalisées en divers endroits pour renforcer les défenses de la place, la France étant en effet en guerre avec l’Espagne.
Dans la première moitié du XIX ème siècle, plusieurs études des services du génie (1824-1858) concluaient à la nécessité de modifications. Certaines d’entre elles furent réalisées comme l’aménagement des postes de tir au bastion des Echos et des Noyers, ainsi qu’à la porte de la Demi-lune. La cité fut finalement déclassée comme place militaire en 1868, et c’est le 22 octobre 1868 que le Ministre de la Guerre fit connaître qu’il y avait lieu de supprimer la garnison de Navarrenx (Daléas, 1926).
Les sièges de Navarrenx
Edifiée pour servir de base de départ à la reconquête du Royaume de Navarre, la place ne put jamais remplir son office. En revanche, son nom se trouve associé aux deux crises majeures qui mirent définitivement fin à l’indépendance du Béarn et de la Basse-Navarre.
Le siège de 1569
En 1562, le Seigneur de Béarn, Antoine de Bourbon, meurt en combattant sous les murs de Rouen. Sa veuve, Jeanne d’Albret, mère du tout jeune Henri de Bourbon, futur Henri II de Foix-Béarn, Henri III de Navarre et Henri IV de France, assume alors seule le pouvoir, son fils n’ayant que 9 ans.
Huit ans après la mort d’Henry d’Albret, le 1 er avril 1563, le jour de Pâques, Jeanne d’Albret se convertit au Protestantisme dont elle fait profession publique à Navarrenx (Daléas, 1926). Elle l’impose alors par la force, selon les coutumes de l’époque, à ses fiefs, le Royaume de Navarre et le Béarn. Dans les circonstances de l’époque, Jeanne devint l’un des chefs politiques du protestantisme “français”. En 1568, alors qu’elle venait de rejoindre Condé et Coligny à La Rochelle, le Roi de France, Charles IX, considére que cette retraite au milieu des Huguenots, alors révoltés contre lui, comme un acte d’hostilité (Laborde, 1983). Il profite donc de son absence pour envoyer au secours des catholiques béarnais une armée dite “de protection”, commandée par le Général Antoine de Lomagne, Seigneur et Vicomte de Terride, avec pour mission d’investir et de “délivrer” le Béarn.
Incapable de pourvoir à la défense de toutes les cités béarnaises, le Lieutenant Général de la Reine, Bernard d’Arros, parvient à se replier dans Navarrenx. Avec l’aide du gouverneur chargé de la défense de la place, Bertrand de Gabaston, seigneur de Bassillon, il allait animer la défense de la ville. Bernard d’Arros disposait de 400 à 500 soldats que rejoignit une partie de la garnison d’Oloron, ayant échappé à la capture; beaucoup étaient des “Bisognes”, recrues inexpérimentées, mais animés d’une solide motivation. Sous l’autorité de ces deux hommes, le commandement des divers “quartiers” se partage entre les capitaines Brassaley, Lamote, Cortade et Moret.
Dans le camp adverse, l’effectif dont aurait effectivement disposé Terride varie du simple au triple selon les estimations. 12 000 hommes selon certaines, dont 4000 Gascons sous les ordres de Sainte-Colomme, 6000 Navarrais et Souletins commandés par le Comte de Luxe et 2000 volontaires catholiques béarnais. Sans doute plus proches de la vérité, d’autres sources parlent de 33 compagnies françaises et de quelques centaines de Béarnais, soit environ 4000 hommes au total, voire 800 seulement certains jours (Dubarat, 1926)! Quoiqu’il en soit, cette armée manquait de cohésion, son ravitaillement laissait à désirer et Terride semblait être un médiocre capitaine.
L’avant-garde de Terride se présenta devant les remparts le 27 avril 1569 et la ville reçut les premiers boulets de l’artillerie ennemie le 24 mai (Dubarat, 1926).
Les assaillants disposaient de trois batteries de quatre pièces chacune: celle de Montballon (située sur la colline du même nom) battait le bastion de Méritein et la Castérasse; celle de Bérérenx tirait sur la porte Saint-Germain et celle installée de l’autre côté du gave, à Susmiou, contre le pont et la Porte Saint-Antoine. Mais toutes les pièces étaient à près de 800 mètres des remparts, soit la portée maximale des canons de l’époque, et, aucun réglage précis n’était possible à cette distance. De plus, ce tir était obtenu en tirant à toute volée, c’est-à-dire en donnant à la pièce la plus grande inclinaison possible, celle d’un angle de 45 degrés, mais sans possibilité de viser. Le boulet ainsi envoyé décrivait une parabole et retombait ensuite presque verticalement, avec pour seul effet de traverser un toit ou d’atteindre, totalement par hasard, quelque habitant ou soldat. La portée de “but en blanc”, c’est-à-dire en visant un point déterminé, était infiniment moins forte et ne dépassait pas 4 à 500 mètres.
Les assiégés avaient, de leur côté, installé leur artillerie sur les plates-formes des bastions et concentré plusieurs pièces à la Castérasse.
Chaque jour, se poursuivit un duel d’artillerie, par salves espacées et peu meurtrières. Nul bombardement n’était en mesure de réduire la place: seul un assaut pouvait l’enlever, “ mais la vigueur de l’attaque fût toujours inférieure à celle de la défense ”. Le 27 mai, Terride fit une tentative pour forcer le pont et atteindre la Castérasse. Ses hommes furent repoussés et d’Arros fit murer le pont et creuser un fossé. Les troupes catholiques commencèrent alors à creuser des tranchées pour se rapprocher des remparts.
De leur côté, les assiégés effectuèrent une série de sorties victorieuses poussant souvent fort loin leurs reconnaissances, et détruisirent les tranchées devant la Castérasse et la batterie de Méritein.
Début août, l’arrivée en Béarn d’une armée protestante de secours commandée par Montgomery sonna le glas des troupes de Terride, qui levèrent le siège le 8 août et essayèrent de se réfugier à Orthez, où ils durent se rendre quelques jours plus tard. Les chefs catholiques qui s’étaient rendus avec promesse d’avoir la vie sauve furent conduits à Navarrenx. Six d’entre-eux, considérés comme coupables de lèse-majesté en leur qualité de Béarnais furent massacrés traîtreusement (Laborde, 1983).
Après les dégâts provoqués par les troupes de Terride, le Béarn dut souffrir des représailles sanglantes et destructrices de celles de Montgomery, ajoutant une nouvelle page noire à cette période inhumaine des Guerres de Religion.
A Navarrenx, le gouverneur Bassillon fut “ massacré sur la rue, car disait-on, il avait intelligence avec l’ennemi ”. Montgomery le remplaça par Arnaud de Gachissans, seigneur de Sales, qui gouverna la cité jusqu’en 1620, laquelle était devenue pendant cette période de 50 ans une place de sûreté, un refuge pour les protestants béarnais.
En 1572, Jeanne d’Albret mourrait, laissant la souveraineté du Béarn et de la Navarre à son fils Henri alors âgé de 21 ans. En 1584, la mort du Duc d’Anjou fit du Béarnais l’héritier de la couronne de France. En vue des luttes qu’il prévoyait, celui-ci établit à Navarrenx sa place d’armes et son arsenal. De plus, il confia la régence du Béarn à sa soeur Catherine qui pendant 2 ans et demi vint se réfugier à l’abri des remparts. La place conservait une réelle capacité militaire et jouait un rôle important dans l’échiquier des guerres politiques et religieuses en Aquitaine (Dubarat, 1926).
Le siège de 1620 ou le coup médiatique de Louis XIII.
Assassiné par Ravaillac en 1610, Henri IV laissait le Royaume de France à son fils Louis XIII. Malgré l’opposition du Parlement de Navarre, celui-ci est bien décidé à lier définitivement le sort du Béarn et de la Navarre à celui de la France. Un édit fût d’ailleurs pris dans ce sens le 31 décembre 1616.
En 1620, le gouverneur de Navarrenx, M. de Sales, fils du précédent, est âgé de plus de 80 ans au moment où Louis XIII vient rétablir son autorité par la promulgation de l’Edit d’Union du Béarn, de la Navarre et de la France, et par la même occasion, faire appliquer l’Edit de Fontainebleau, restaurant le culte catholique en Béarn. Reçu très froidement à Pau par la population et le Parlement de Navarre, Louis XIII se dirigea vers Navarrenx, place “ en bon état et bien fournie en provisions de guerre et de bouche, mais dont la garnison était très insuffisante ”. Le Roi fit savoir à de Sales qu’il serait élevé au rang de Maréchal de Camp et recevrait une récompense de 60 000 livres si la place se rendait sans difficultés. Les portes furent ouvertes: “ il n’en coûta pas la mèche d’un canon ”, que la suite de Louis XIII ne possédait d’ailleurs pas.
Ce faux siège permit à Louis XIII de s’emparer de ce qui restait du trésor des rois de Navarre, de désarmer la population et de faire célébrer la messe dans l’église qui était devenue temple depuis plus de 50 ans. Il y nomma ensuite un nouveau gouverneur catholique, Bernard de Poyanne (Daléas, 1926).
Lentement, le démantèlement du potentiel de Navarrenx se poursuivit jusqu’à la révolution française de 1789. Au fil des ans, l’artillerie de la place fut dispersée soit vers les places de le région (Bayonne, Saint-Jean-Pied-de-Port), soit pour soutenir des expéditions lointaines.
Elle abritait encore un important dépôt d’armes et possédait à demeure une très faible garnison, mais son rôle militaire était limité.
Le siège de 1814
Cette léthargie sera réveillé en 1814 au cours de la retraite des troupes napoléoniennes d’Espagne. L’armée du Maréchal Soult essayait de retarder la poussée des Alliés, commandés par Wellington. Après que celui-ci ait franchi les Pyrénées, Soult espérait néanmoins retenir les troupes alliées à hauteur du Gave de Pau et de l’Adour. Pendant que se déroulaient les préparatifs et la bataille d’Orthez, 1 560 hommes sous les ordres du Colonel Regnault, s’étaient retranchés dans la cité des remparts. Wellington fit investir la place le 25 févier par une division espagnole commandée par le général Morillo. La cité résista pendant toute la campagne et le dernier siège s’achèvera avec la fin des hostilités, Napoléon ayant été contraint d’abdiquer le 6 avril 1814 (Stephan, 1988).
Conclusions
Construite à une époque tumultueuse pour la seigneurie de Béarn, la cité avait été entourée d’une enceinte des plus performantes pour l’époque. L’épisode du siège de 1569 tend à montrer qu’elle le fût réellement. Il convient toutefois de remarquer que l’idée même du bastion destiné à opposer résistance à l’artillerie avait mis près d’un siècle à être développé et mettait en oeuvre des principes entièrement nouveaux au moment de la construction de la ville. De manière identique, la tactique destinée à réduire, en un minimum de temps et avec un minimum de moyens et de pertes, de telles constructions mettra à son tour plusieurs décennies avant d’être développée. Ainsi par exemple, si les assiégeants réussirent si brillamment grand nombre de leurs sorties lors du siège de 1569, c’est probablement dû à l’absence de places d’armes au milieu du zigzag des tranchées de progression. Ces espaces furent en effet aménagés ultérieurement en vue de permettre à une troupe de soldats d’attendre d’éventuelles sorties et de s’y opposer.
La chance de Navarrenx a donc été d’être attaquée à une époque où les fortifications bastionnées venaient d’être développées et où les techniques d’attaques étaient quasi inexistantes. Cependant, son rôle dans les siècles qui suivirent le rattachement du Béarn à la France ne cessa de diminuer au point de risquer le démantèlement total des remparts au milieu du XX ème siècle.
1868 – la Place forte est déclassée par décision impériale, et les deux compagnies du 58ème d’infanterie sont affectées à St Jean Pied de Port.
Aujourd’hui, grâce aux efforts conjugués de nombreux particuliers, de diverses collectivités, dont la municipalité, ou d’associations, la cité offre encore un magnifique exemple des premiers pas du tracé bastionné que finalement seule l’apparition de l’artillerie rayée allait rendre obsolète. Grâce à la restauration progressive de l’ensemble des constructions militaires, et au classement de Monument historique en 2000, Navarrenx offre un exemple tout à fait exceptionnel de l’architecture militaire de cette période, à l’instar des villes qui ont eu la chance de conserver leur patrimoine fortifié.
Références bibliographiques
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Anonyme (1980) La Forteresse de Saint-Jean Baptiste à Florence. Gruppo Archeologico fiorentino, Eds, Firenze.
Bordenave, N. de (1873) Histoire de Béarn et de Navarre. P. Raymond, Eds, Paris.
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Daléas, E. (1926) Recueil de Faits Historiques et Autres concernant Navarrenx. P. Lapuyade, Eds, Mauléon, 106pp.
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Desplat, C. et Tucoo-Chala, P. (1981) Navarrenx. T. Bouquet, Eds, Auch, 30pp.
Dubarat, V. (1926) Le Journal du Siège de Navarrenx. Lesbordes, Eds, Tarbes.
Ferron, M. (1944) Deux Inspections des hôpitaux militaires de Bayonne, Saint-Jean-Pied-de-Port et Navarrenx. Bull. Soc. Sci. Let. Arts Pau V , 224-243.
Labau, D. (1994) Lorsque les Seigneurs de Béarn régnaient sur la Navarre. COVEDI, Eds, Pau, 225pp.
Laborde, B. (1983) Précis d’Histoire du Béarn. Laffite, Eds, Marseille.
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Raymond, P. (1874) Les Artistes en Béarn avant le XVIIIème siècle. Librairie Léon RIBAUT, Eds, Pau, 189pp.
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Stephan, P.M. (1988) La Bataille d’Orthez (27 Février 1814). Revue de Pau et du Béarn,
15 , 207-232.
Vue de la Porte St-Germain ou Porte de France avant sa démolition
dans les années 1900.
Quelques anciennes cartes postales, photos, gravures, etc.